La candidature des bêtes Sauvages : Quand les despotes font une alliance dans l’opposition !

Ahmadou Kourouma serait étonné de voir à quel point la fiction historique laisse place à la réalité évolutive dans le milieu politique africain et plus particulièrement du Sénégal. Lui qui attendait le vote des bêtes sauvages, serait ahurit de voir que ces derniers sont désormais à l’assaut de la magistrature suprême.

C’est une liste de désormais 36 aristocrates qui se sont déclarés candidats aux prochaines échéances électorales de février 2024. Dans un pays où le bouillonnement intellectuel s’était jadis installé par le biais des commis de l’administration française qui étaient soucieux de leurs promotions, bonjour l’installation de l’inculture notamment politique qui n’est rien d’autre que le fruit de 63 ans de despotisme assaisonné d’un aigu népotisme. Et comme le soutenait Simon Weil, elle qui prônait la destruction des partis politiques dont notre très cher Sunugaal compte plus de 300, dans méditations sur l’obéissance et la liberté, les masses ont accepté la force de l’union de la minorité face à la faiblesse du dispersement de la majorité.

C’est ainsi que pendant 63 ans, la dispersée majorité a veillé rigoureusement à la création d’un oligopole qui se comporte telle une caste de privilégiés, se partageant les largesses de la République dans toute sa splendeur. Une caste qui s’entretient de génération en génération, de magistère en magistère, et ceci malgré le changement des têtes de devant. Et pour conforter son assise, l’oligopole a veillé à déconstruire tout débat sérieux et de haute couture pouvant pousser les masses à réaliser qu’ils sont seuls dans leurs revendications de justice sociale. Et le vecteur directeur de cette bifurcation mentale sera le nivellement par le bas, notamment en politique où le débat idéologique est aux abonnés absents. Dommage pour un pays ayant connu des férus de l’idéologie et du combat des principes tels que Cheikh Anta diop, Valdiodio Ndiaye, Lamine Gueye, Blaise Diagne, Ngalandou Diouf, etc, d’être réduit à la simplissime idéologie du manger pour tous, de l’électricité pour tous, et de l’eau pour tous. Des combats très nobles pour des aliénés qui pensent que leur figure paternaliste projetée sur le colon s’est bâtie en gavant ses populations de céréales.

Voilà alors 63 ans que ce sont les mêmes têtes qui se marient entre eux, divorcent puis reprennent un mariage comme pour amadouer le cycle de l’eau qui ne manque jamais le coche.

Cela devrait-il nous étonner dans le pays où on parle des « 2 T you miinanté » ? Quelle délicatesse ! 63 ans au cours desquels on a poussé l’aliénation culturelle à son paroxysme, la carence idéologique à son terme et la sociologie à son agonie pour ne pas dire reduite à sa plus simple expression. Conséquence : ce sont souvent des têtes nulles qui promulguent avec friponnerie des candidatures aux élections présidentielles alors qu’ils sont sûrs en âme et en conscience qu’ils ne sauraient être chef de leur quartier résidentiel ou de leur village natal si ceci devait passer par la vérité des urnes et de l’isoloir.

Néanmoins ils annoncent une candidature, inondent les réseaux sociaux de nouveaux profils qui soutiennent leurs candidatures, peu importe si ces profils sont africains ou asiatiques ou martiens. L’important c’est de valoriser son gargarisme dans la divine comédie que ne saurait écrire Dante Alighieri par défaut d’inspiration tellement nous avons repoussé les limites de l’art et du théâtre sans avoir à passer par des répétitions.

Et le pire dans cette histoire, c’est que les comédiens ont tendance à s’attacher à leur nom de scène, à leurs habitudes de scène. En effet, sous le joug de l’argument du « reew mi dafa ame noumouy dokhei », nos chers ventriloques en carence idéologique se permettent de croire en leurs perfidies jusqu’à ce qu’un nième Mariage leur fasse oublier tout ce qu’ils ont défendu au Moins une fois dans leur vie. C’est ainsi que s’est formé un pôle de privilégiés, les mêmes depuis Mathusalem. Ils infestent nos universités, pavanent dans nos rues, galvaudent notre administration et transcendent tout l’appareil étatique sous couvert de bonnes relations.

Voilà où en est le pays où 65% des emplois sont précaires selon l’OIT ! On ratifie les débats de bas étage ! On marginalise les propres à la gouvernance ! Et on théorise avec beaucoup de coquetterie notre carence intellectuelle. Conclusion : 36 Candidats déclarés aux prochaines joutes électorales en attendant le probable 37e du « wathiathia ». Sûrement l’heure pour les « Goorgorlu intellectuels » de magnifier l’ingéniosité du parrainage qui les aiderait à éliminer les candidats de basse cour, ne réalisant pas que ce sont tous les mêmes pains de singe du même baobab, et que le mal est plus profond que cette superficialité dont nous avons l’habitude.

Hélas les universitaires sont devenus les égaux des animateurs de télé qui ont goûts et idées sur tous les thèmes de la « Nation » dont on devrait parler à la télé ou à la radio, créant au passage une génération d’abrutis. Qui préfère les meilleurs abrutis d’ailleurs, les abrutisseurs internationaux que sont les réseaux sociaux on l’occurrence Snapchat, tiktok, Instagram, Twitter etc. Tout dans le pays, est réduit à des trolls !

Les sujets les plus importants n’intéressent personne ! Ou devrions nous dire que les sujets à soubassement intellectuel ne font plus vibrer du monde car ils sont désolidarisés du charme d’une belle jongoma dont les rondes tenteraient même l’imam de la mosquée. Ils sont désolidarisés du charme « bayefallique » de Bathie Massamba pour inspirer les grandes Demoiselles qui, au lieu d’être soucieux de leur avenir, votent parce que tel ou tel candidat serait le plus gentleman où aurait la femme la plus sénégalaise.

Dans un pays où on vote pour des apparences, logique que des charlatans venus de nulle part songent à tympaniser du monde parce qu’ils auraient les bons profils pour diriger notre pays. Des profils tellement parfaits que leur parcours est méconnu de l’engagement communautaire. A beau mentir qui vient de loin !

Tant que ce peuple, le nôtre, néglige le débat Idéologique, tant que ce peuple s’arrangera non pas pour chosir mais pour déchoir, tant que ce peuple n’aura pas accepté d’apprendre de son histoire, d’éviter de sombrer dans l’amnésie émotionnelle, de tarir d’éloges pour des hommes qui ne font que leur devoir, on peut toujours rêvasser en harmonie de lendemains meilleurs que nous ne verrons qu’au Paradis.

Par Babacar NDOUR