Chronique | Échiquier politique sénégalais, l’avant goût d’une reconfiguration imminente

Le dimanche 23 janvier 2022 se sont déroulé les joutes électorales à l’issu desquelles les populations choisissent leurs élus locaux. En sus, une échéance cruciale et déterminante pour la suite de la vie politique. D’aucuns les qualifiaient même de « premier tour » de la présidentielle de 2024.

Au regard de la vérité des urnes, notamment avec une forte participation de la jeunesse, le constat est simple : une décrépitude d’un régime sanctionné et l’émergence d’une nouvelle force politique.

BBY en chute libre

La coalition de la majorité s’est vue sanctionner dans les villes témoins où le poids électoral est plus pesant : Dakar, Touba, Ziguinchor, Thiès. A Dakar, le terrain est occupé par la coalition Yewwi Askan wi conduite par leur port étendard Barthélémy Diaz L’autre événement, c’est la fin de l’hégémonie d’Idrissa Seck à Thiès, jadis intraitable en termes électorales. Aujourd’hui, son « titre foncier » est en train de lui filer entre les doigts. A Kaolack, une ère nouvelle s’ouvre marquée par l’arrivée dans les instances de décision des « ndongos daaras ».

L’arrivée de Serigne Mboup au pinâcle, pur produit des daaras, est une aubaine pour relever le rang des non-francophones, jusque-là phagocytés dans la gestion publique. L’échequier à Ziguinchor, si on peut le dire ainsi, il n’y a pas eu d’élection, juste une démonstration de force. Ousmane Sonko, le nouveau maire, dans la lignée des présidentielles dernières, impose désormais sa suprématie politique.

YAW en taille patron, Gueum Sa bop en retrait, les partis classiques hors course.

Le peuple semble avoir jeté son dévolu sur la nouvelle coalition YAW qui regorge les grosses pointures de l’opposition. Alternative ou alternance ? Maintenant aux nouveaux élus de nous fixer. Gueum Sa bop a été bien représentée vaille que vaille même si le chemin est encore long à l’aune de leurs ambitions ultimes. Leur victoire la plus reluisante reste sans doute la reconduction de Bamba Fall à la tête de la Médina. En revanche, le seul hic, la défaite du leader Bougane Gueye à la marie de Mermoz Sacré Cœur.

Parallèlement, les partis politiques classiques, à l’image des autres démocraties comme la France ne font plus le poids dans un paysage politique mutant, supplantés par les mouvements et les candidatures individuelles. Le PDS qui patauge, le PS et autres absorbés par la mouvance présidentielle sont en train de mourir de leur belle mort.

Focus sur Ousmane Sonko

Il s’impose aujourd’hui comme l’opposant le plus radical du régime, celui qui incarne le renouveau africain. Il a développé la stratégie de la « nationalisation des territoires » en sillonnant avec les candidats des autres agglomérats. En 15 jours, avec un discours tranchant, certes en symbiose, mais son image et sa prestance ont été déterminantes dans la conquête de plusieurs villes. Sa campagne a pris l’allure d’une campagne présidentielle. Plébiscité, il était sollicité partout. Ses alliés voulaient tous l’avoir à leur côté pour faire peur à leurs adversaires et se donner une certaine crédibilité. Plus que jamais, il constitue une réelle menace pour le régime.

La suite?

Une traversée du désert du régime qui a quelques mois pour redorer son blason avant les joutes législatives. La tâche s’annonce lourde considérant le désamour profond entre le peuple et ses dirigeants. Des aménagements, des changements sont inéluctables. Voilà tout l’enjeu autour du prochain remaniement où le nom du Premier ministre sera dévoilé.

La jeunesse, la pierre angulaire, semble avoir pris les choses en main. Une certitude : le débat autour du 3e mandat qui tient en haleine tout le pays est tranché car, en réalité, les candidats en lice ne constituent que des caisses de résonnance du Président. Visiblement, ce dernier en est la principale cible. Les dernières lueurs d’espoir dans ce sens, s’il y en avait, sont enterrées par le peuple.

L’opposition particulièrement la coalition YAW sera dans une logique de consolidation des acquis et aller à la conquête des zones qui leur sont, jusque-là, hostiles : Louga, Saint Louis, Matam, Kolda, Fatick et pourquoi pas enregistrer d’autres arrivées comme celle du parti Awale de Dr Abdourahmane Diouf. Quel renfort de taille ! Une sensibilisation à l’endroit des jeunes surtout les primo votants à aller s’inscrire sur les listes électorales et une campagne pour convaincre la couche d’abstention en leur faveur.
L’évolution de tous bords dans les mois à venir sera suivie de très près.

Par Abdou Thioune