Interview | Ngalla Sylla le châtelin de l’équipe nationale des Lions de Beach soccer
À la tête de l’équipe nationale de Beach Soccer depuis 2016, Ngalla Sylla était d’abord joueur de l’équipe nationale entre (2007 et 2015) et a glané 3 championnats d’Afrique (2008, 2011, et 2013) avant de remporter trois autres trophées au niveau du continent noir en tant qu’entraîneur entre 2016 et 2021.
Le champion du Sénégal avec l’US Ouakam en 2011 a accordé une interview exclusive à la rédaction de Médiaactu à laquelle il est revenu sur la prouesse des Lions lors du mondial de Beach Soccer organisé en Russie.
1) Le parcours des « Lions » lors de la Coupe du Monde s’est terminé en 1/2 finale. Quel bilan faites-vous de votre participation à la compétition ?
« Tout d’abord permettez-nous de remercier le bon Dieu de nous avoir donné la santé et de nous avoir permis de retrouver la famille en paix. Nous remercions la population, l’Etat, la Féderation Senegalaise de Football et tous les sympathisants qui ne vivent que Beach Soccer. Nous avons vraiment senti le soutien de tout le pays et du continent africain. Merci à tous. Le Senegal avait fixé des objectifs. Ce n’était vraiment pas evident. J’ai pris les rênes de l’equipe en 2016. Il fallait être constant. Nous avons succesivement atteint les quarts de finale des Coupe du Monde 2017 et 2019. En 2021, il était hors de question d’être éliminé au premier tour ou de stagner. Il fallait travailler dur pour franchir un cap. Dieu merci nous l’avons réussi. Nous avons démarré par une belle victoire contre l’Uruguay. Par la suite, nous avons affronté le grand Portugal tenant du titre et terminé premier de la poule après être tombé contre l’Oman avec la rotation. Il fallait revenir en force en quarts de finale face à la grande selection du Brésil. Ce qui a rendu la performance héroïque c’est que beaucoup de Sénégalais ne croyaient pas qu’on pouvait les battre. On l’a fait, on a réussi. Félicitations à toute l’équipe et au staff. Après cet exploit, il fallait jouer contre le Japon. Le match fut serré et on a mordu la poussière. Idem contre la Suisse. On perd dans les dernières minutes. Mais je pense qu’on a fait un parcours honorable dans l’ensemble parce que les objectifs fixés au départ ont été atteints. Tout ce qui a suivi n’était que cerise sur le gâteau ».
2) Le Sénégalais a quand même battu deux immenses nation de Beach Soccer, en l’occurrence le Portugal puis le Brésil, quelle a été la clé pour venir à bout de ces deux équipes quand on sait à quel point il est compliqué de les affronter ?
« Avec tout le respect qu’on a pour le Portugal et le Brésil, il n y a pas de secret dans le sport. Il faut juste travailler dur. Personnellement, j’ai dis à mon staff dès le premier match que le Brésil et le Portugal étaient prenables. J’ai vu des défaillances dans leur jeu, notamment sur le plan physique. Le Beach Soccer renferme à la fois de aspects physiques et techniques et tactiques. Nous avons bien travaillé tactiquement et physiquement. Techniquement bien-sûr y avait les lacunes car peut-être que le travail de base a fait défaut. On a vu une équipe du Sénégal compacte et soudée. Gagner le Portugal a été une source de motivation pour nous. Depuis le tirage, nous nous sommes dits qu’il fallait « tuer le chat noir » car c’est la selection qui nous a éliminé en 2011. Il était hors de question que le Portugal nous batte. Le décès de la maman de Raoul la veille fut aussi fut une autre source de motivation. Après avoir gagné le Portugal, on a senti une équipe taillée pour atteindre ses objectifs. Il fallait corriger certains détails et travailler sur le plan mental. Tout était possible à partir de là. L’aspect mental a été important parce qu’on a senti une équipe du Brésil pas forte physiquement et qui voulait plier le match le plus tôt possible. Ils ont mené 3-1 lors des deux 1/3 temps. Lors du dernier 1/3temps, ils ont baissé en régime et on en est revenu fort. Le match aurait même pu être gagné avant les prolongations si Mamadou Sylla avait converti son occasion dans les toutes dernières minutes. Finalement, le travail a été fait malgré tout et mentalement mes hommes ont été à la hauteur ».
3) Après la victoire face au Brésil l’équipe n’est-elle pas tombée dans une euphorie et pensé que le reste de la compétition allait devenir une formalité ?
« Je ne pense pas que ce soit une euphorie. Gagner le Brésil, c’était fantastique pour nous et une source de motivation oui. Les joueurs ont compris qu’il fallait jouer les matchs à fond et qu’une défaite était interdite après ces deux prestigieuses victoires. Mais il faut aussi rappeller que nous avons perdu 3 joueurs clés que ce soit le gardien Al Seyni Ndiaye qui constitue la plaque tournante de l’ equipe, Mamadou Sylla un défenseur d’expérience et Mamour Diagne qui est le maestro de l’équipe. Les remplacer était difficile même si on a eu d’autres joueurs avec qui on a travaillé tant sur le plan mental que technique. Malheureusement, contre le Japon, nous avons encaissé des buts faciles avec des erreurs de marquage flagrantes avec Amadou Bâ le gardien pas dans un grand jour. On a finalement perdu et en bon sportif, on a félicité le Japon. Il y a eu des regrets à la fin du match, mais franchement,je n’ai constaté aucune euphorie après les victoires contre le Portugal et le Brésil ».
4) Qu’est ce qui a particulièrement manqué lors du match face au Japon et empêché vos hommes de remporter cette rencontre ?
Contre le Japon, on a manqué de réussite. Aussi, il y a eu des erreurs défensives, notamment de part de Pape Demba Ndour. Le match fut très serré avec 7 mns de jeu disputés sans le moindre but. Pape Demba a malheureusement mal jugé la trajectoire du ballon et a commis une faute. Un penalty a été sifflé et c’est ce qui a déclenché le match. Même si on est revenu au score, c’était un jour sans avec les absences pour cause de blessure et de cumul de cartons comme je l’ai dit tantôt. Nous avons tiré des enseignements de ce match une fois à Dakar et conclu que nous devons travailler les reprises car cela nous a coûté cher lors de cette Coupe du Monde ».
5) Le match pour la 3e place face à la Suisse a été serré jusqu’au bout. L’Equipe a mené au score à de maintes reprises, mais la défaite est arrivée dans les tous derniers instants, comment analyserez-vous ce match ?
« Contre la Suisse, on nous nous avons été dominés tactiquement. Nous avions opté pour le marquage individuel mais le coach adverse a été très malin et a réussi à créer la supériorité numérique en demandant à son gardien d’avancer avec le ballon. Ce dernier est de surcroît très technique. Pour nous, la tactique utilisée face au Portugal allait marcher face à la Suisse mais les choses ne se sont pas passées comme prévu. Les joueurs n’ont pas pu assimiler le changement de tactique en cours de match et c’était devenu difficile. Avec tout le respect que j’ai pour les arbitres, il y a eu beaucoup trop de décisions litigieuses en faveur de la Suisse ce jour là. Néanmoins,en bons sportifs, on accepte la défaite ». 6) Après cette Coupe du Monde réussie, pensez-vous que le Sénégal a maintenant les moyens de viser le dernier carré à chaque édition et éventuellement même la victoire finale? « Une victoire n’est jamais acquise d’avance. Il ne faudra pas se reposer sur ses lauriers et se dire que les choses seront faciles à l’avenir. Les équipes travaillent. Il faudra consolider les acquis, travailler les lacunes surtout. Faire des retouches après cette Coupe du Monde sera nécessaire du point de vue des joueurs, de l’environnement de travail. Nous avons vu qu’il y a des postes qu’il faut doubler voire tripler. Sur le plan technique, il y a beaucoup de choses à améliorer. Avec l’enchaînement des matchs, des tournois, des stages, l’équipe grandira. Le travail reste le maître-mot ».
7) À l’heure où le sport sénégalais peine à remporter des trophées, le « Beach Soccer » reste une discipline qui en remporte énormément (6 Coupe d’Afrique) le tout avec une constance inégalable. Quel est le secret qui permet au football de plage d’écrire de si belles pages d’histoire dans le Sport au Sénégal ?
» Pour moi, tout le monde travaille.Nous avons peut-être plus de chance et de réussite En tout cas moi depuis 2007, je fréquente cette équipe. J’ai gagné 3 fois la Coupe d’Afrique en tant que joueur et 3 fois en tant que coach. Pour moi il n y a pas de secret. Les coachs et joueurs travaillent dur sur le sable. Les séances d’entraînement se déroulent deux fois dans la journée. C’est une tâche difficile. C’est moi qui fait la programmation des entraînements. Du Lundi au Jeudi, on fait deux séances (le matin et le soir). On se reveille à 7h du matin pour travailler jusqu’à 8h30 et aussi de 17h à 18h30. Il est aussi vital d’avoir une bonne récupération. La Fédération met beaucoup de moyens et motive les joueurs. Sur le plan médical, mes hommes sont entre de bonnes mains. Les regroupements que ce soit à Toubab Dialaw ou à l’hôtel, la récupération et l’alimentation sont bien assurées sans oublier les séances vidéos entre autres. Les choses ont toujours fonctionné ainsi. Je réitère que je ne crois qu’au travail, à la discipline et à une bonne organisation. Il ne faut négliger aucun détail. Mention spéciale au Président de la FSF, à mon staff, aux joueurs qui ont d’énormes sacrifices, aux médecins. C’est un travail d’ensemble qui nous a permis d’arriver là ».
8) Quelles sont les différences entre le niveau du Beach Soccer en Afrique et celui des autres continents ?
« Les autres continents ont une particularité. Ils jouent beaucoup de matchs. Le Brésil par exemple joue environ une cinquantaine de matchs pour préparer une competition entre les matchs de championnat, de preparation et les tournois. Le Sénégal commence à comprendre cela et on joue un championnat, même si ce n’est pas encore très riche avec seulement 20 équipes. L’objectif de la Fédération est d’organiser les championnats dans toutes les régions du pays. Pour nous, il faut jouer le maximum de matchs et participer à tous les tournois. Avant la Coupe d’Afrique, nous avons joué à plusieurs matchs amicaux. Durant la compétition, on a disputé 5 voire 6 matchs. Après il fallait récupérer 9 joueurs et enchaîner avec un tournoi à Dubaï (4 matchs). Dans la foulée, un voyage en Europe a été fait et nous y avons joué quelques matchs amicaux avant le début du Mondial. Les Européens aussi jouent beaucoup de matchs et disposent de bonnes plages. Les Asiatiques et Sud-américains en font de même. Il faut disputer beaucoup de matchs et ne pas seulement se contenter de la Coupe d’Afrique ».
9) Quels sont les objectifs futurs de l’équipe tant sur le plan continental qu’International ?
« Pour l’instant, je ne peux parler d’objectifs car ce n’est pas moi qui les fixe. Cette tâche est dévolue à la Fédération Sénégalaise de Football. Au début on nous avait demandé de dépasser les quarts de finale en Coupe du Monde. Maintenant, il ne faudra surtout pas reculer. À l’heure actuelle, nous allons observer une période de repos avant d’attaquer le travail de nouveau. Nous ferons toujours le maximum pour atteindre les objectifs ».
