Contribution : La rupture décadente
Le 02 Avril 2024, le Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye a prêté serment devant Dieu et la «Nation» sénégalaise, pour remplir fidèlement la fonction de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la constitution et des lois, de consacrer toutes ses forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire, l’indépendance nationale et de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine.
Serment prononcé après avoir été proclamé garant de la démocratie Sénégalaise, du respect des institutions, des droits et libertés, gage de la stabilité de l’État et de l’unité du peuple sénégalais dans sa diversité. Serment de cœur à la sortie d’une élection présidentielle historique dans l’histoire du pays, marquée par un vote dit de rupture.
À peine 24 semaines, jour pour jour, après ce serment, il est malheureux de constater un «ping-pong» ahurissant entre l’exécutif et le parlement de la République du Sénégal. Une partie digne d’une finale aux jeux paralympiques pour ravir l’or et le prestige du clanisme politique devant Dieu et la «Nation» sénégalaise.
Et ce match n’a été que la suite de cinq mois de politique politicienne de part et d’autre de l’échiquier politique malgré les nombreux rétropédalages dans les deux camps. Lors de la 3e session extraordinaire de l’année 2024, les députés de l’assemblée nationale ont voté à l’unanimité une loi portant sur la création d’un comité national des droits de l’Homme. Au même moment, des citoyens sénégalais sont interdits de sortir du territoire alors que jusque-là aucun juge ne leur a notifié une ordonnance justifiant cet état de fait. Dans la foulée, des forces de défense et de sécurité ont été signalées chez un tiers, alors que ce dernier n’a reçu aucune missive venant d’un juge où d’un huissier de justice pour justifier cette résidence surveillée. L’intimidation dénoncée en 2023, devient la pratique cautionnée par le silence des damnés de Sunu Gaal, vu que l’opprimé d’hier est devenu l’oppresseur d’aujourd’hui, bonjour les grands inquisiteurs. Tout ceci en contradiction avec l’article 9 de la constitution nous dit que toute entrave volontaire à l’exercice d’une liberté est punie par la loi. A-t-on oublié le serment du Président de la République ?
Serment avant lequel il a hérité du titre de garant du respect des institutions qu’il aide désormais à contourner avec cette dissolution de l’Assemblée nationale pour sauver son premier ministre qui est resté cinq mois sans déclaration de politique générale. Rappelons que l’article 55 de la constitution stipule que le premier ministre fait sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale après sa nomination. Pour une fois dans l’histoire, le capitaine d’un bateau galvanise ses matelots pour une rupture alors que le navigateur ne lui a présenté ni carte, ni boussole. Le Président, ciblerait-il les éléments à retenir dans son serment ? Surtout après son adresse d’anthologie à la Nation ce 12 septembre 2024 ?
Et ce, nonobstant le blocage du projet de loi portant sur la suppression du HCCT et du CESE car la volonté populaire qui a installé cette 14e législature est différente de celle qui s’est exprimée au soir du 24 Mars 2024. L’assemblée nationale n’aura été que le bouc émissaire idéal. La réponse parfaite du berger à la bergère ! Assemblée nationale, jadis de débat, d’échanges de haute couture, qui faisait vivre l’histoire du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest, est devenue une Assemblée de fracas, belliqueuse et démagogue, et ne pouvait avoir une autre fin que celle-ci. Qui règne par l’épée, périra par l’épée.
L’animation de ce sketch du Grand Théâtre aide malheureusement à sursoir un contexte d’insensibilité collective à la mort, à la violence, avec une insécurité galopante, qui se manifeste souvent par des agressions de tout genre, des meurtres, des vols, etc. Les forces de défense et de sécurité devraient être plus présentes qu’ils ne le sont déjà, plus sensibles surtout à la prévention. On rappelle que la sécurité est le dénominateur commun de toutes les libertés car elle a le pouvoir de conditionner les autres. Il est donc désolant de constater que les rafles et les contrôles hardis se font souvent après l’irréparable. Privons-nous de penser aux médecins après la mort, ou encore aux médecins de Molière qui n’ont que lavement et saignée comme remède, oubliez les droits et libertés !
Se souvient-on du partage «banni» des hautes sphères de décision du gouvernement, et des directions de l’État ? Partage qui devrait être enterré, au profit des appels à candidatures qui ont été coiffés au poteau par «certains». Après cinq mois de nomination, on en attend encore les bribes. Car force est de constater que l’Homme que je connais a remplacé l’Homme qu’il faut à la place qu’il faut. Sommes-nous assez amnésiques pour oublier le programme dit de rupture, qui a porté le Président de la République au sommet de l’élection présidentielle ?
À ces déflexions s’ajoutent des décadences colossales au sommet du gouvernement. Quand le ministre de la justice demande au premier ministre ce qu’il doit faire car devant lui se trouve un militant qu’il peut blanchir de sa plume, et que le premier ministre se glorifie devant une assemblée populaire d’avoir tenu bon à ce moment là pour faire respecter la loi, il est légitime de se poser des questions car ni le premier ministre, ni personne d’autre n’est au-dessus de la République pour mériter qu’on lui fasse part d’une situation dont l’issue a déjà été prévue par la loi. Mais on ne peut rien attendre de plus d’un premier ministre qui n’est pas au courant de l’application, par les autorités décentralisées de l’État, d’une circulaire du ministère de l’intérieur sous l’acclamation de Colobane et de ses environs.
Un intouchable ! Qui l’est davantage quand on observe ce qui s’appelle opposition. Elle est constituée de plusieurs groupuscules de politiciens sans idées profondes, sans vision claire, certains dans la comédie, d’autres en hibernation.
La rupture est surtout aux abois, quand après cinq mois de gouvernance, on attend encore le PROJET aux horizons 2025. En attendant, Toutes les urgences qui ont fait voter en masse le peuple sénégalais, dont le travail et la classe ouvrière, sévissent toujours, sans des perspectives claires pour espérer une sortie par le haut de ce gouffre, à l’exception de l’effort à saluer qui a été fait par le gouvernement pour la baisse du coût des denrées de première nécessité. Pour rester dans cette logique, Il est primordial pour tout le pays que nos autorités privilégient la raison, à l’écusson; l’intérêt général et républicain, au clanisme et toute autre forme de poudre de perlimpinpin. Une pensée forte aux familles éplorées récemment à Mbour, et partout au Sénégal suite à des naufrages d’embarcations légères qui ne cherchaient que des lendemains meilleurs.
Par Babacar NDOUR
