« Le 3e mandat était parlant depuis la suppression du poste de premier ministre » (Mary Teuw Niane)

L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur n’est pas surpris que le débat sur le 3e mandat soit remis au goût du jour. Devant le Jdd, ce dimanche 26 mars, il explique qu’il a vu venir.

“C’est une surprise mais qui était déjà latente dès la prise du pouvoir du Président Macky Sall en 2019, a-t-il dit. A l’entame de son second mandat, il a supprimé le poste de Premier ministre. Il avait avancé de fausses raisons qui étaient qu’il fallait faire les choses plus rapidement. Or, quand vous supprimez le coordonnateur de l’action gouvernementale, on ne comprend pas comment les choses allaient être plus rapides. La réalité nous a montré que non seulement les choses ont été plus lentes mais aussi ont été désordonnées et n’ont pas respectées les règles de fonctionnement de l’État.”

Il souligne que “l’autre aspect qui était un peu précurseur, c’est l’assujettissement d’un certain nombre d’Institutions à l’Exécutif. Le Président Obama disait ‘’il faut des Institutions fortes’’. Moi, j’ajoute qu’il faut aussi des hommes forts, capables de piloter des Institutions fortes. C’est-à-dire de se libérer de ceux qui les ont mis dans ces positions pour ne regarder que l’intérêt public.”

“Malheureusement, regrette-t-il, nous revenons à la case départ. Puisqu’en 2011-2012, le combat était que le Président Abdoulaye Wade ne pouvait pas faire un troisième mandat. Après toutes les déclarations, les démonstrations, toutes les illustrations données par le Président Macky Sall, lui-même, nous voilà à peut-être quelques jours, quelques semaines ou quelques mois d’une future déclaration de candidature qui est immorale, illégitime et qui ne respecte pas l’éthique. Cela, je considère que ce n’est pas une bonne chose.”

La déclaration faite par Macky Sall, dans un entretien qu’il a accordé à nos confrères français de L’express, selon laquelle il a le droit de se présenter à l’élection présidentielle du 25 février 2024, le conforte dans cette thèse. Car, a-t-il appuyé : “Je suis navré d’entendre le président de la République parler ainsi et préparer sans aucun doute une future déclaration de candidature. Il aurait dû dire : ‘’j’ai la légitimité morale et éthique’’. Mais, il n’a pas dit cela. Parce qu’il n’a ni la légitimité morale et l’éthique, qui fonde la confiance dans notre société, ne lui permet pas d’être candidat une troisième fois”.

Mary Teuw Niane de poursuivre : “Lors de la constitution de son gouvernement d’avril 2019, j’étais convaincu qu’il était dans une trajectoire ou de succession familiale ou le 3e mandat.” Pourquoi ? “C’est la suppression du poste de Premier ministre. C’est l’élimination du gouvernement de tous les cadres universitaires y compris mon collègue Ismaïla Madior Fall, qui a ensuite été repris comme ministre d’État. Il faisait partie des têtes qui émergeaient dans le gouvernement. Dans une deuxième vague, l’élimination de ceux qui avaient du leadership au niveau du parti. Il fallait avoir des gens dociles pour accepter les choix contre-nature du président de la République. Nous l’avons vu par la suite. Dans ce silence qu’il a imposé aux membres de son parti. Ceux qui se sont exprimés pour s’opposer en disant ‘’qu’il n’y aura pas de 3e mandat’’, il les a éliminés. Ceux qui ont dit qu’il fallait qu’il y ait un 3e mandat, ils ont eu une promotion. Donc, c’était parlant.”

Pour lui, “dès lors qu’il a fait cela, Macky Sall a gâché son second mandat, qui aurait été un mandat d’achèvement de ses projets et de construction d’une image d’un grand démocrate, d’un grand bâtisseur du pays. Ce qui lui aurait permis d’avoir une autre carrière par la suite et peut-être revenir demain”.