Économie : Les Eurobonds du Sénégal chutent après le report de l’élection présidentielle (Bloomberg)

Les euro-obligations du Sénégal ont fortement chuté après que le président Macky Sall a reporté sine die les élections présidentielles de ce mois-ci et que les autorités ont coupé l’accès à l’internet mobile dans un contexte de crise constitutionnelle.

La police a renforcé la sécurité dans la capitale lundi, au lendemain d’affrontements avec des partisans de l’opposition dans les rues de Dakar qui ont conduit à l’arrestation de responsables, dont l’ancienne Première ministre Aminata Touré et la candidate à la présidentielle Anta Babacar Ngom. Le gouvernement a coupé l’accès aux services Internet mobiles en raison de la diffusion en ligne de messages « haineux et subversifs » qui mettent en péril l’ordre public, a indiqué le ministère de la Communication.

Les obligations en dollars de ce pays d’Afrique de l’Ouest arrivant à échéance en 2033 ont chuté de 3,6% à 83,77 cents par dollar à 13h54 GMT. à Londres, tandis que sa dette 2037 a chuté de 4,7% à 69,84.

C’est la première fois qu’une élection est reportée au Sénégal, considéré comme l’une des démocraties les plus stables d’Afrique. Ce retard fait craindre une aggravation de l’instabilité politique en Afrique de l’Ouest, où une série de coups d’État militaires au cours des trois dernières années a renversé les gouvernements de quatre pays.

L’incertitude au Sénégal pourrait conduire les investisseurs à exiger une prime supplémentaire sur le risque d’investissement dans le pays, a déclaré Michael Kafe, analyste de Barclays Plc, dans une note de recherche. Les obligations du Sénégal ont surperformé leurs homologues d’Afrique subsaharienne depuis novembre, probablement en raison des attentes selon lesquelles un processus électoral fluide serait suivi d’une « trajectoire fondamentale positive », a-t-il déclaré.

« Bien qu’il semble prématuré d’abandonner complètement une trajectoire aussi positive, l’incertitude a augmenté », a déclaré Kafe. « Nous pensons que, au moins à court terme, cela devra se refléter dans des primes de risque politique supplémentaires dans les spreads sénégalais. »

Manque de soutien

Les législateurs se sont réunis lundi pour examiner une proposition visant à modifier la constitution et à permettre à Sall de prolonger son mandat de six mois. La constitution exige actuellement que les élections aient lieu au moins 30 jours avant l’expiration du mandat du président.

Sall, dont le dernier mandat se termine le 2 avril, a déclaré qu’il avait retardé le vote pour permettre une enquête parlementaire sur la manière dont le Conseil constitutionnel du pays a déterminé qui pouvait se présenter aux élections. L’enquête a été ouverte après que le parti du chef de l’opposition Karim Wade – le fils du prédécesseur de Sall, Abdoulaye Wade – a accusé deux juges de corruption et leur a reproché sa disqualification de la course.

Certains membres de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar ont rompu les rangs et soutenu l’appel à une enquête. Cela a révélé un manque de soutien au sein de la coalition pour le Premier ministre Amadou Ba, le successeur trié sur le volet de Sall, et a ajouté aux inquiétudes selon lesquelles il aurait du mal à rivaliser avec le principal candidat de l’opposition : Bassirou Diomaye Faye, qui a le soutien du chef de l’opposition emprisonné Ousmane Sonko.

« Notre lecture est que Sall était convaincu que Ba allait perdre face à Bassirou Diomaye Faye, le radical candidat pour remplacer Sonko, et a choisi de reporter les élections pour gagner du temps », François Conradie, responsable politique et économique à Oxford Economics Africa. , a déclaré dans une note. « Ba était controversé en tant que candidat au sein de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar. »

L’unité BMI du groupe Fitch a déclaré le mois dernier que Sonko, 49 ans, remporterait probablement le scrutin s’il était autorisé à se présenter. Sonko a été disqualifié de la course le mois dernier après avoir été reconnu coupable de diffamation pour avoir insulté le ministre du Tourisme et condamné à six mois de prison avec sursis. Son parti, Pastef les patriotes, a été dissous.

« Il s’agit d’un coup d’État constitutionnel », a déclaré Yassine Fall, vice-président des affaires internationales de Pastef, en réponse aux questions envoyées par SMS. « La Constitution est claire. Le mandat du président ne peut en aucun cas être prolongé.

Le Sénégal est sur le point de devenir un important producteur de pétrole et de gaz, avec des projets impliquant BP Plc, Kosmos Energy Ltd. et Woodside Energy Group Ltd. qui devraient être mis en ligne cette année. Le Fonds monétaire international prévoit que l’économie du Sénégal connaîtra une croissance de 8,8 % cette année, ce qui en fera l’une des économies les plus dynamiques d’Afrique.

Bloomberg
-Avec l’aide de Yinka Ibukun, Paul Burkhardt et Colleen Goko.